Le bail rural constitue un contrat spécifique régissant les relations entre propriétaires et exploitants agricoles. Lorsque le preneur apporte des améliorations au fonds loué, il peut prétendre à une indemnisation lors de sa sortie. Cette indemnité, strictement encadrée par le code rural, soulève régulièrement des questions juridiques complexes entre bailleurs et preneurs.
Le principe fondamental de l'indemnisation est posé par l'article L411-69 du code rural et de la pêche maritime. Selon ce texte, "le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail".
Cette disposition établit un droit inconditionnel à indemnisation, indépendamment des circonstances ayant conduit à la fin du bail rural. Sont également assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour l'exploitation agricole, effectuées avec l'accord du bailleur et excédant les obligations légales du preneur.
La demande du preneur sortant relative à une indemnisation des améliorations apportées au fonds loué se prescrit par douze mois à compter de la date de fin de bail, à peine de forclusion. Ce délai strict impose au preneur de réclamer rapidement son indemnité de sortie après l'expiration du bail.
Pour donner droit à indemnité, les améliorations réalisées par le preneur doivent avoir été réalisées régulièrement, en respectant la procédure d'information ou d'autorisation du bailleur, voire du tribunal paritaire des baux ruraux. L'absence d'autorisation préalable prive le preneur de son droit à indemnité et peut même le conduire à devoir remettre le fonds en l'état antérieur.
L'article L411-73 du code rural distingue plusieurs catégories de travaux selon leur régime d'autorisation. Certains travaux peuvent être exécutés sans l'accord préalable du bailleur, moyennant une simple notification deux mois avant l'exécution des travaux. Le preneur doit alors communiquer au bailleur un état descriptif et estimatif de ceux-ci.
Le bailleur dispose ensuite de deux mois pour soit décider de prendre les travaux à sa charge, soit saisir le tribunal paritaire des baux ruraux en cas de désaccord sur les travaux envisagés ou leurs modalités d'exécution.
Certains travaux peuvent être exécutés librement par le preneur, notamment ceux dispensés d'autorisation par la législation sur l'amélioration de l'habitat, les travaux figurant sur une liste établie par décision administrative pour chaque région naturelle, ou encore les travaux dont la période d'amortissement ne dépasse pas de plus de six ans la durée du bail.
L'article L411-71 du code rural établit des modalités de calcul différentes selon la nature des améliorations apportées.
Pour les bâtiments et ouvrages incorporés au sol, l'indemnité est égale au coût des travaux, évalué à la date de l'expiration du bail, réduit de 6% par année écoulée depuis leur exécution. En principe, l'amortissement correspond à une durée de seize ans et huit mois.
Pour les plantations, l'indemnité est égale à l'ensemble des dépenses, y compris la valeur de la main-d'œuvre, évaluées à la date de l'expiration du bail, qui auront été engagées par le preneur avant l'entrée en production des plantations, déduction faite d'un amortissement calculé à partir de cette dernière date. Cette indemnité ne peut excéder le montant de la plus-value apportée au fonds par ces plantations.
Pour les travaux de transformation du sol et les améliorations culturales, l'indemnité est égale à la somme que coûteraient, à l'expiration du bail, les travaux faits par le preneur dont l'effet est susceptible de se prolonger après son départ, déduction faite de l'amortissement.
Dans chaque département, le préfet peut, après avis de la commission consultative des baux ruraux, déroger au taux d'amortissement de 6% par an en arrêtant des tables d'amortissement spécifiques. Ces barèmes départementaux sont fixés dans les limites déterminées par un barème national.
Par exemple, en Gironde, un arrêté préfectoral du 2 décembre 2013 fixe la durée d'amortissement à un minimum général de 25 ans, réduit à 20 ans pour certains cépages. En Morbihan, la construction d'un bâtiment d'exploitation s'amortit sur 25 ans, soit un amortissement annuel de 4%.
Le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour statuer sur les litiges concernant les baux ruraux, notamment le montant des indemnités d'amélioration. Ce tribunal peut être saisi soit par acte d'huissier, soit par requête datée et signée comportant un exposé précis des demandes.
La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé plusieurs points importants concernant l'indemnisation des améliorations. Dans un arrêt du 1er juin 2011, la Cour a rappelé que l'autorisation donnée par le bailleur ne peut être trop générale et doit être spécifique aux travaux présentant un caractère d'utilité certaine pour l'exploitation.
La Cour de cassation a également établi que la plus-value apportée au fonds par les améliorations réalisées par le preneur ne constitue que le plafond de l'indemnité à laquelle il peut prétendre, et non son montant exact.
Avant toute procédure judiciaire, les parties sont convoquées par le greffe du tribunal pour une tentative de conciliation obligatoire. En l'absence de conciliation, le litige sera jugé lors d'une audience. Les parties peuvent se faire assister par un avocat, mais cette représentation n'est pas obligatoire.
Le preneur qui libère les lieux en fin de bail n'est pas autorisé à céder les améliorations au preneur entrant. Cette interdiction découle du principe d'accession qui permet au propriétaire l'appropriation des améliorations faites par le fermier. L'indemnisation des améliorations apportées au fonds relève exclusivement des rapports entre le fermier et son bailleur.
Cependant, cette règle n'est pas d'ordre public et peut être écartée par la volonté des parties. Le bailleur peut valablement renoncer à son droit d'accession, ce qui suppose que le preneur renonce à demander l'indemnisation des améliorations au bailleur.
Selon un arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 1997, une renonciation peut être induite de l'accord donné par le bailleur à la cession, par le preneur sortant à son successeur, d'une construction qu'il a régulièrement édifiée. En pratique, il est fortement recommandé de formaliser cette renonciation devant notaire pour éviter tout malentendu.
Lorsque le bailleur renonce à son droit d'accession, ce droit se reporte à l'expiration du bail avec le fermier entrant. À la sortie de ce dernier, le nouveau preneur peut demander à être indemnisé des améliorations qu'il aura lui-même apportées au fonds, mais aussi celles réalisées par son prédécesseur qui ne seront pas encore complètement amorties.
L'indemnité est due et exigible dès que le bail prend fin3. En principe, les parties fixent l'indemnité entre elles, mais le tribunal paritaire des baux ruraux peut être saisi en cas de désaccord.
Le juge a la possibilité d'échelonner le paiement de l'indemnité, à la vue de la situation du débiteur, sur une durée maximale de deux ans, voire plus si la sortie du bail n'est pas du fait du bailleur. Si le bailleur n'effectue pas de règlement à la date d'expiration du bail, le preneur a le droit de rester dans les lieux.
Pour faciliter le paiement de l'indemnité de sortie, la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a modifié l'article L411-70 du code rural, permettant aux établissements bancaires agréés d'accorder aux bailleurs qui en font la demande des prêts spéciaux à long terme.
Lorsque le montant de l'indemnité ne peut être fixé immédiatement, le tribunal paritaire des baux ruraux peut accorder une indemnité provisionnelle en attendant la détermination définitive du montant.
En cas de vente du bien loué, l'acquéreur doit être averti par l'officier public ou ministériel chargé de la vente du fait qu'il supportera, à la sortie du preneur, la charge de l'indemnité éventuellement due à celui-ci. Cette obligation d'information protège l'acquéreur contre les mauvaises surprises et garantit les droits du preneur.
La part des travaux dont le financement a été assuré par une subvention ne donne pas lieu à indemnité. Cette règle évite une double indemnisation et tient compte de l'aide publique déjà perçue par le preneur.
Le régime des indemnités d'amélioration en matière de bail rural illustre la complexité des rapports entre bailleurs et preneurs. L'équilibre recherché par le législateur vise à encourager les investissements productifs tout en protégeant les droits de propriété. Le respect scrupuleux des procédures d'autorisation et de notification demeure essentiel pour garantir les droits du preneur sortant. Face à la technicité de ces questions, le recours à un conseil juridique spécialisé s'avère souvent indispensable pour sécuriser les relations contractuelles et éviter les litiges devant le tribunal paritaire des baux ruraux.