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Et si la SAFER préempte ?

Publié le January 6, 2022 par Bernard Charlotin
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Et si la SAFER préempte ?

Et si la SAFER préempte ?

Votre projet d’achat de votre exploitation agricole ou de votre domaine viticole avance bien. Vous allez bientôt signer le compromis mais on vous a dit que la SAFER allait préempter et empêcher la réalisation de votre projet. Pas de panique ! Ce risque n’est pas si élevé et vous avez sans doute des solutions à mettre en place

Reprenons déjà les choses à la base pour comprendre le fonctionnement du droit de préemption et de la SAFER.

Le droit de préemption, qu’est-ce que c’est ?

Le droit de préemption est un droit consenti à un organisme généralement public d’acheter un bien (de se substituer) à la place de l’acquéreur initialement prévu au contrat. Par exemple, les communes bénéficient très souvent d’un droit de préemption sur des ventes immobilières ce qui leur permet de contrôler les transactions sur leurs communes.
L'objectif de ce droit de préemption est donc de mettre en œuvre une politique publique, de contrôler au moins en partie les opérations privées.

Et la SAFER, qu’est-ce que c’est ?

La SAFER (Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural) est un organisme privé mais doté d’une mission de service public par la loi. La SAFER est organisée en sociétés au niveau de chaque région française.

Selon l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime, la SAFER doit remplir 4 missions : 

  1. Protection des espaces agricoles, naturels et forestiers : favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières, ...
  2. ?Concourir à la diversité des paysages, la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité écologique
  3. Contribuer au développement durable des territoires ruraux
  4. Assurer la transparence du marché foncier rural

Pour l'exercice de ses missions, elle a donc été dotée d'outils juridiques dont le droit de préemption. Il lui été octroyé afin d’éviter la spéculation sur le foncier agricole et de limiter le prix des terres agricoles.

Ce droit s’applique uniquement sur les immeubles agricoles : foncier, bâtiments agricoles, maisons en zone agricoles, etc…

Pour plus de détail, vous pouvez consulter la présentation réalisée par la SAFER elle-même.

Comment s’exerce le droit de préemption de la SAFER ?

Lorsqu’un compromis de vente est signé pour des immeubles agricoles, le notaire va alors adresser une notification à la SAFER précisant les modalités de la vente : le vendeur, l’acheteur, la désignation des biens vendus, le prix de vente, …

Elle dispose alors d’un délai de 2 mois pour agir. Si au terme des 2 mois, il ne s’est rien passé, ceci signifie que la SAFER ne préempte pas.

Pendant ces 2 mois, la SAFER va instruire le dossier. Elle le transmet au conseiller foncier local qui examinera le projet de vente, regardera les prix pratiqués au regard des usages, regardera si d’autres acquéreurs peuvent être intéressés, s’ils sont prioritaires, les contactera …. Après examen, le conseiller s’il pense préempter, soumet le dossier à un Comité Technique qui prendra alors la décision de préempter ou non.

A noter que la SAFER bénéficie également d'un droit similaire sur les ventes de bois et forêts dans la région Ile-de-France.

Certains acquéreurs sont donc prioritaires ?

Oui, lorsque la SAFER préempte, elle ne le fait pas contre un candidat mais pour favoriser un autre candidat prioritaire.

Une des missions de la SAFER est de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations agricoles.

Les ordres de priorité sont définis par la Loi et par la réglementation régionale. En effet, chaque région détermine un Schéma Directeur des Régional des Exploitations Agricoles. C’est ce document qui détermine les priorités du Contrôle des Structures. La SAFER préempte si elle considère qu’un acquéreur prioritaire devrait acheter le bien plutôt qu’un autre.

Que se passe t‘il après la préemption ?

Interrogation bonhomme

Une fois que la SAFER a notifié au notaire sa décision de préempter, elle va alors rechercher des candidats à l’attribution du bien. Elle fait une publicité officielle sur le bien. Toute personne intéressée peut se porter candidat en complétant un dossier de motivation.

Le technicien foncier en charge du dossier va alors synthétiser les dossiers de candidature, faire le point sur les modalités de financement et transmettre le dossier au Comité Technique qui donnera un avis sur la rétrocession. Cette décision est ensuite transmise au Conseil d’Administration qui prend une décision officielle.

Les commissaires du Gouvernement, représentants de l’État, valident ensuite les décisions prise par le Conseil d’Administration. Les commissaires du Gouvernement sont des représentants des ministères en charge de l’Agriculture et des Finances.

A noter que lorsque la décision de préemption est notifiée au vendeur, ce dernier ne peut pas retirer son bien de la vente. Il est alors obligé de poursuivre la vente mais au profit de la SAFER

Peut-on contester les décisions de la SAFER ?

Oui, les décisions de préemptions et de rétrocessions sont des décisions administratives qui peuvent faire l’objet de recours judiciaires et sont susceptibles d'annulation.

Il existe d’ailleurs de très nombreux cas de contentieux à l’encontre des décisions de la SAFER avec des issues favorables ou défavorables.

Qui siège dans les Comités de la SAFER ?

Le Comité Technique de la SAFER est constitué de représentants de différentes organisations représentés dans 3 collèges différents :

Les organisation agricoles : Chambre d’agriculture, syndicats agricoles représentatifs (FDSEA, Jeunes Agriculteurs, Confédération Paysanne, Coordination Rurale, …), banques et assureurs mutualistes

Les collectivités publiques : conseils régional et départementaux, associations de maires, …

Autres : Agence de service de Paiement, associations de protection de l’environnement, syndicats de propriétaires fonciers et forestiers, chambre des notaires, …

La présence de représentants agricoles au sein de la SAFER permet aux techniciens fonciers de disposer d’un relais important d’informateurs dans les campagnes.

Et la préemption avec révision de prix ?

Lorsque la SAFER considère qu’une transmission se fait à un prix anormalement haut au regard du prix du marché, elle peut décider de préempter avec révision de prix.

En pratique, elle notifie au notaire qu’elle souhaite exercer son droit mais à un prix inférieur à celui prévu dans le compromis de vente. Elle doit justifier sa décision en prouvant que le prix envisagé est supérieur aux valeurs moyennes pratiquées.

Mais elle ne peut pas imposer ce prix au vendeur. En effet, le vendeur dispose alors d’un délai de 6 mois pour prendre sa décision. Il a 2 options :

  • Retirer son bien de la vente. Il ne pourra pas présenter un projet de vente aux mêmes conditions tant que le marché n’aura pas connu une évolution notable
  • Accepter la préemption de la SAFER

La Loi Sempastous et la SAFER

La SAFER a été désigné par la Loi Sempastous pour exercer le contrôle prévu par la Loi Sempastous et visant à lutter contre l'accaparement de terres agricoles par le biais de cessions partielles de sociétés agricoles.

Comment se rémunère la SAFER ?

La SAFER ne perçoit quasiment plus de subventions et se rémunère par des honoraires qui viennent majorer le prix d’achat pour le bénéficiaire de la rétrocession.

Mais pour éviter de trop faire monter la facture, les opérations réalisées par les SAFER sont exonérées de droits d’enregistrements. Le coût de son intervention est donc couvert au moins partiellement par une économie sur les frais d'acquisition.

Le risque d’une préemption est-il élevé ?

Selon les chiffres de la SAFER, en 2020, la SAFER a réalisé 1 240 préemptions soit seulement 0,4% des 322 400 projets de vente qui lui ont été notifiés ! Le risque d’une préemption est donc en réalité très faible.

Si vous achetez une exploitation agricole, une propriété équestre, un domaine viticole, … comprenant à la fois des bâtiments, du foncier, une maison, … le risque de préemption est faible car la SAFER trouvera assez difficilement un acquéreur concurrent et prioritaire.

Si votre achat porte uniquement sur quelques hectares de foncier, le risque de préemption sera plus important car de nombreux agriculteurs voisins risquent d’être intéressés par ces parcelles.

Comment agir si le risque de préemption est élevé ?

Un des moyens d'action pour éviter la préemption de la SAFER est d'anticiper et donc de connaitre le contexte local. Contactez la SAFER, présentez vous et argumentez sur votre projet. Le technicien local pourra peut-être vous indiquer comment monter votre projet et gagner des places dans l’ordre des priorités.

D’ailleurs, c’est même souvent le technicien foncier de la SAFER qui contacte l’acquéreur ou le vendeur d’un bien avant même la notification pour l’informer qu’elle envisage une préemption sur le dossier.

Vous pouvez également prendre contact avec vos potentiels concurrents locaux et essayer de trouver un accord pour qu’ils ne se portent pas candidats.

Si un projet vous échappe, vous aurez très probablement de nouvelles opportunités d'acquérir des immeubles agricoles dans les mois et les années à venir. En effet, de très nombreux agriculteurs vont arrêter leur activité dans les années à venir libérant ainsi de nombreuses exploitations et parcelles de foncier.