La question du pouvoir de la SAFER concernant les prix de vente des terrains agricoles soulève de nombreuses interrogations chez les propriétaires de foncier rural et agricole. Contrairement à une idée répandue, la SAFER ne peut pas imposer un prix de vente. Elle dispose cependant d'un droit de préemption avec possibilité de révision de prix, mais le vendeur conserve toujours ses options légales face à cette procédure.
Les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), qui sont des sociétés privées mais avec une mission de service public, bénéficient d'un droit de préemption institué par l'article L143-1 du Code rural. Ce droit leur permet d'acquérir en priorité certains biens lors de leur vente, dans le cadre de leurs missions d'intérêt général.
Lorsque la SAFER estime que le prix envisagé pour la vente est supérieur à la valeur réelle du terrain, elle peut exercer son droit de préemption avec révision du prix. Cette préemption avec contre-offre de prix se justifie lorsque le prix fixé est jugé "exagéré" par rapport aux conditions du marché local.
La SAFER dispose de deux mois à compter de la notification qui lui a été faite par le notaire du vendeur pour adresser une offre d'achat avec sa proposition de prix. Cette procédure requiert l'accord des commissaires du Gouvernement, garantissant ainsi un contrôle de l'État sur l'exercice de ce droit.
Pour justifier une révision de prix, la SAFER doit démontrer que le prix est "exagéré", notamment en fonction des prix pratiqués dans la région pour des biens de même ordre. Cette évaluation prend en compte plusieurs éléments : le barème indicatif du prix des terres agricoles, les références locales et une expertise sur le terrain.
Cette prise en compte des prix du marché locale s'inscrit dans la mission de régulation du marché foncier confiée aux SAFER. L'objectif est d'éviter la spéculation foncière et de maintenir des prix cohérents avec la valeur réelle des terres.
Il est souvent difficile pour un propriétaire de connaitre réellement le marché local alors que la SAFER dispose de toutes les informations sur le marché local.
Face à une préemption de la SAFER avec révision du prix, le vendeur dispose de trois options légales :
Cette liberté de choix constitue une limite importante au pouvoir de la SAFER. Le vendeur dispose ainsi de la faculté de renoncer à la vente plutôt que d'accepter un prix qu'il estime insuffisant.
Si le vendeur garde le silence pendant un délai de six mois à compter de la notification de l'offre de la SAFER, il est réputé avoir accepté le prix proposé. Cette acceptation tacite représente un piège juridique qu'il convient d'éviter.
Cependant, la jurisprudence récente précise que le vendeur peut retirer le bien de la vente à tout moment de la procédure de révision judiciaire du prix, même avant que le juge ne se prononce. Cette possibilité offre une nouvelle faculté au vendeur de renoncer à l'opération.
Lorsque le vendeur conteste le prix proposé par la SAFER, il peut saisir le tribunal de grande instance du lieu de situation du bien. Cette procédure judiciaire permet une révision judiciaire du prix selon l'article L.412-7 du Code rural.
Le tribunal dispose alors du pouvoir de fixer la valeur vénale du bien après expertise. Cette procédure garantit une évaluation objective et contradictoire du prix, protégeant ainsi les droits du vendeur.
La jurisprudence récente de la Cour de cassation (arrêt du 8 juillet 2025) confirme que le vendeur peut retirer le bien de la vente à tout moment de la procédure en révision judiciaire du prix. Cette faculté s'exercer sans obligation de passer par le notaire chargé d'instrumenter.
Cette décision importante renforce les droits du vendeur face à la procédure de préemption. Elle permet d'éviter qu'un vendeur soit contraint de vendre à un prix qu'il n'a pas accepté, même si la procédure judiciaire est en cours.
Si le vendeur peut effectivement saisir le Tribunal pour conteste le bien-fondé de la révision de prix, ceci ne se fait pas sans un inconvénient majeur : le délai des procédures judiciaires.
L’arrêt de la Cour de Cassation du 8 juillet 2025 précité concerne un projet de vente qui a fait l’objet d’une notification à la SAFER en août 2010.
Il a donc fallu attendre 15 ans pour que ce point de procédure connaisse un règlement presque définitif (il faut encore attendre un arrêt de la Cour d’Appel).
Il est en pratique très rare qu’un vendeur saisisse la voie judiciaire dans cette situation car il sera dans l’impossibilité de vendre son bien tant que la justice n’aura pas tranché. Qui serait prêt à attendre 10 ans ou plus ?
En pratique, lorsque la SAFER propose une révision de prix significative, la majorité des vendeurs choisissent de retirer leurs biens de la vente plutôt que d'accepter le prix révisé. Cette situation crée un état de blocage : ni vente, ni acquisition forcée.
Cette réalité du marché illustre les limites du pouvoir de la SAFER. Si elle peut proposer une révision de prix, elle ne peut contraindre un vendeur réticent à vendre à un prix qu'il juge insuffisant.
Plusieurs situations permettent d'éviter la préemption de la SAFER. Le droit de préemption ne s'applique pas dans certaines conditions : ventes familiales, cessions entre indivisaires, ou lorsque d'autres acquéreurs bénéficient d'un droit prioritaire.
Ainsi la SAFER ne dispose pas de son droit de préemption lors de la vente d’un terrain agricole loué au fermier en place depuis au moins 3 ans.
Attention toutefois, cette option ne constitue pas une voie de contournement de la SAFER. Elle peut en effet contester la validité du bail au motif qu’il aurait été signé dans le seul but d’éluder son droit de préemption. Par ailleurs, le fermier peut simplement abandonner son projet d’achat et rester fermier pendant au minimum 9 ans avec un droit de renouvellement de son bail rural.
L'État, les collectivités locales, ou le fermier en place peuvent ainsi primer sur le droit de préemption de la SAFER. Ces exceptions constituent des moyens légaux d'éviter l'intervention de la SAFER dans certaines opérations de transfert de propriété.
Le système de préemption des SAFER fait l'objet de critiques récurrentes. Certains observateurs dénoncent un pouvoir trop étendu dans la fixation des prix, notamment lorsque les SAFER procèdent à des "substitutions" controversées.
La FNAIM (Syndicat majoritaire des agences immobilières) a ainsi indiqué en 2025 saisir la Commission Européenne contre la SAFER pour abus de position dominante et aides d’État illégales.
Ces critiques portent autrement sur la légitimité du pouvoir de révision et sur l'impact de ces pratiques sur le marché foncier. Certains acteurs du secteur agricole estiment que les SAFER peuvent désavantager les agriculteurs dans leurs projets d'acquisition d’exploitations agricoles.
Les pouvoirs des SAFER ont été renforcés par les évolutions législatives récentes. Ces modifications visent à lutter contre la consommation des terres agricoles et à renforcer le contrôle du marché foncier rural.
Ces nouvelles dispositions étendent les compétences des SAFER, notamment dans les zones tendues, tout en maintenant le principe que le vendeur conserve ses options face à une révision de prix.
La SAFER ne peut pas imposer un prix de vente. Son pouvoir se limite à proposer une révision de prix dans le cadre de son droit de préemption, mais le vendeur conserve toujours le choix d'accepter, de refuser ou de saisir le tribunal. Cette limitation importante du pouvoir des SAFER garantit que le transfert de propriété ne peut s'effectuer contre la volonté du vendeur, même si ce dernier doit respecter certaines procédures et délais pour exercer ses droits. La révision de prix reste donc un outil de régulation du marché foncier, mais non un moyen de contrainte absolue sur les propriétaires de biens ruraux et agricoles.
Non, la SAFER ne peut pas imposer un prix de vente. Elle peut proposer une révision de prix à la baisse si elle estime le prix exagéré, mais le vendeur conserve toujours le choix d'accepter, de refuser ou de saisir le tribunal.
La SAFER dispose d'un délai de 2 mois à compter de la réception de la notification du notaire pour exercer son droit de préemption. Au-delà, son silence vaut renonciation.
Non. Le droit de préemption s'applique principalement aux biens situés en zone agricole protégée ou ayant un usage agricole. Certains biens situés en zone urbaine peuvent échapper à cette prérogative.
La SAFER doit estimer et prouver que le prix est "exagéré" par rapport aux prix pratiqués sur le marché local pour des biens similaires. Elle doit motiver sa décision et obtenir l'accord des commissaires du Gouvernement.
Le vendeur dispose de 6 mois à compter de la notification de la contre-offre pour réagir. Au-delà, il est réputé avoir accepté tacitement le prix proposé.
Oui, selon la jurisprudence récente de la Cour de cassation, le vendeur peut retirer le bien de la vente à tout moment de la procédure de révision judiciaire du prix.
Si la SAFER a préempté au prix convenu, la vente est juridiquement parfaite. En cas de refus de signature, la SAFER peut vous assigner en réitération de cession devant le tribunal.
Si la SAFER a préempté au prix convenu, la vente est juridiquement parfaite. En cas de refus de signature, la SAFER peut vous assigner en réitération de cession devant le tribunal.
Oui, la SAFER est autorisée à n'exercer son droit de préemption que sur une partie des biens vendus, selon l'article L. 143-1-1 du Code rural.
Toutefois, le vendeur peut exiger « qu'elle se porte acquéreur de l'ensemble des biens aliénés. » Par ailleurs, « s'il accepte la préemption partielle, il peut exiger » que la SAFER « l'indemnise de la perte de valeur des biens non acquis ».
Les ventes familiales (entre parents et descendants notamment) bénéficient d'exceptions au droit de préemption. Cependant, ces exceptions sont strictement encadrées par la loi.