Le Prix des vignes   

Le prix des vignes en France en 2024

Publié le September 1, 2025 par Bernard Charlotin
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Le prix des vignes en France en 2024

Pour la première fois depuis 2010, le prix des vignes AOP connaît une baisse généralisée en 2024, reflétant la crise structurelle que traverse la viticulture française. Le prix moyen des vignes AOP hors Champagne recule de 3,3% à 79 500 €/ha, marquant un tournant dans un cycle haussier qui durait depuis plus d'une décennie.

Nous analysons pour vous les chiffres communiqués par la SAFER (L'analyse des marchés fonciers ruraux - mai 2025) qui révèlent une viticulture française à l'épreuve des défis climatiques et commerciaux.

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Une baisse historique des prix des vignes

Le marché viticole français connaît en 2024 son premier recul généralisé des prix depuis 2010. Cette tendance baissière touche toutes les catégories de vignes :

Type de vignes Prix 2023 (€/ha) Prix 2024 (€/ha) Évolution (%)
Vignes AOP (avec Champagne) 178 400 176 400 -1,1%
Vignes AOP (hors Champagne) 82 200 79 500 -3,3%
Vignes hors AOP 15 000 13 800 -8,0%
Vignes Eaux-de-vie AOP 56 600 51 100 -9,7%

Cette correction des prix s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs : aléas climatiques répétés, crise commerciale touchant particulièrement les vins rouges, et baisse de la consommation tant en France qu'à l'export.

Un marché qui résiste en volume

Malgré cette baisse des prix, le marché des vignes maintient son activité en termes de transactions. La SAFER a enregistré 8 650 ventes en 2024, soit une baisse limitée de 1,4% par rapport à 2023.

Évolution du marché des vignes

Indicateur 2023 2024 Évolution (%)
Nombre de transactions 8 770 8 650 -1,4%
Surface échangée (ha) 16 000 16 000 0,0%
Valeur totale (millions €) 1 170 1 111 -5,0%

La stabilité des surfaces échangées (16 000 hectares) témoigne d'une certaine résilience du marché, même si la valeur globale des transactions diminue de 5,0% en raison de la baisse des prix.

Des situations contrastées selon les vignobles

L'analyse par bassin viticole révèle des évolutions très hétérogènes, certaines régions tirant leur épingle du jeu quand d'autres subissent de plein fouet la crise :

Prix des vignes par bassin viticole en 2024

Bassin viticole Prix moyen 2024 (€/ha) Évolution 2024/2023 (%)
Champagne 1 121 800 +1,7%
Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura 238 500 +8,0%
Vallée du Rhône-Provence 85 700 0,0%
Alsace-Est 117 000 -0,7%
Bordeaux-Aquitaine 101 100 -18,4%
Charentes-Cognac 51 100 -9,8%
Val de Loire-Centre 39 900 +1,3%
Sud-Ouest 13 400 -9,1%
Languedoc-Roussillon 12 600 -5,1%
Corse 22 200 0,0%

Les vignobles résistants

La Bourgogne confirme son statut d'exception avec une progression spectaculaire de 8,0%. Les appellations de Côte d'Or continuent leur envolée, avec les premiers crus blancs qui dépassent désormais les 2,5 millions d'euros par hectare (+13%). Le Bourgogne Aligoté progresse même de 17% en Saône-et-Loire, porté par la demande pour les crémants.

La Champagne maintient sa stabilité avec une hausse mesurée de 1,7%, atteignant un prix moyen de 1 121 800 €/ha. Toutefois, les maisons de Champagne ont réduit leurs acquisitions foncières au second semestre, face à la baisse de leurs expéditions.

Les vignobles en difficulté

Bordeaux-Aquitaine enregistre la chute la plus spectaculaire avec -18,4%, ramenant le prix moyen à 101 100 €/ha. Cette correction majeure s'accompagne paradoxalement d'une hausse des transactions (+7,2%), révélant un marché de détresse où les propriétaires cèdent leurs vignes à des prix bradés.

Les Charentes-Cognac subissent également une forte correction (-9,8%) après la période d'euphorie des années précédentes. Le secteur des eaux-de-vie, qui avait vu ses prix multipliés par 2,7 entre 2004 et 2022, connaît un véritable retournement de cycle.

L'impact des aléas climatiques

L'année 2024 a été marquée par des conditions climatiques particulièrement difficiles. La grêle a devasté le Chablisien, certaines parcelles n'ayant même pas pu être vendangées. Les pluies incessantes et le mildiou ont impacté la Côte d'Or, particulièrement la Côte de Nuits.

Dans le Languedoc-Roussillon, la sécheresse continue de peser sur les rendements, poussant de nombreux viticulteurs vers l'arrachage des vignes les moins productives. Le potentiel d'irrigation devient un critère déterminant pour la valorisation du foncier.

La fin du cycle haussier des appellations prestigieuses

La SAFER constate une "mise en pause du cycle haussier des appellations prestigieuses". Après une progression de 69% entre 2006 et 2022 pour les vignes AOP hors Champagne, le marché des appellations de prestige montre des signes d'essoufflement.

À Bordeaux, les appellations les plus réputées n'échappent pas à la correction : Pauillac recule de 17%, Saint-Estèphe de 20% et Margaux de 7%. Seules quelques appellations bourguignonnes continuent leur ascension, portées par la rareté de l'offre et la demande internationale soutenue.

Le marché sociétaire en progression

Parallèlement au recul des prix, on observe une montée en puissance du marché sociétaire. Les sociétés d'exploitation agricole ne représentent que 13% du nombre de ventes mais captent 55% de la valeur des vignes transmises.

Ce phénomène répond à des objectifs entrepreneuriaux multiples : séparation du patrimoine foncier et d'exploitation, recours à des capitaux extérieurs, préparation de transmissions familiales ou extra-familiales.

Les vignobles face à la transition

Face à ces défis, les domaines viticoles français s'adaptent différemment :

  • Reconversion : En Languedoc et dans la Vallée du Rhône, des vignes sont converties vers le maraîchage ou l'arboriculture, notamment sur les parcelles irrigables

  • Arrachage : Les campagnes d'arrachage se multiplient, particulièrement à Bordeaux où les AOC Bordeaux ont perdu 10% de leur superficie en 2024

  • Restructuration : Les viticulteurs alsaciens se recentrent sur leur foncier le plus rentable et procèdent à des échanges parcellaires

L'impact limité de l'inflation

Avec une inflation de 2,0% en 2024, la baisse des prix des vignes représente une érosion significative de la valeur patrimoniale. Cette situation contraste avec la période 2010-2022, où les vignes avaient largement surperformé l'inflation.

Pour les vignes AOP hors Champagne, la perte de valeur réelle atteint 5,3% en 2024, marquant un retournement de tendance majeur pour ce placement traditionnellement considéré comme une valeur refuge.

Perspectives d'avenir

Le marché des vignes en 2024 révèle une viticulture française en mutation. La baisse généralisée des prix, première depuis plus d'une décennie, signe la fin d'un cycle et interroge sur l'avenir du secteur.

Les vignobles de prestige (Bourgogne, Champagne) maintiennent leur attractivité grâce à leur notoriété internationale et à la rareté de leur foncier. À l'inverse, les vignobles de volume font face à des défis structurels majeurs : changement climatique, évolution des goûts des consommateurs, concurrence internationale.

Cette différenciation croissante entre vignobles pourrait s'accentuer dans les années à venir, créant un marché foncier viticole à deux vitesses : d'un côté les terroirs d'exception qui gardent leur pouvoir d'attraction, de l'autre les vignobles en reconversion forcée vers d'autres modèles économiques.

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